Le site de la Gruère fait l’objet depuis quelques années déjà de travaux de revitalisation menés par l’Etat. Un ambitieux programme de mesures vise principalement à bloquer l’effet des drainages réalisés par le passé. Une nouvelle étape débute cet été, avec la neutralisation d’un nouveau drain. Ces travaux d’envergure s’étaleront encore sur une période de 4 ans, jusqu’en 2027. Les interventions programmées doivent, entre autres, favoriser la faune et la flore particulières de ce milieu naturel d’exception. La remise en eau de la tourbière permettra aussi d’accroître la séquestration du carbone et aura donc un impact positif sur le bilan des gaz à effet de serre.
Le site de l’étang de la Gruère a été promu «réserve naturelle» dès 1943. Il bénéficie du statut d’importance nationale dans le cadre de cinq inventaires fédéraux liés à la protection de la nature et du paysage, et fait également partie du réseau européen «Emeraude». Sa richesse et sa beauté exceptionnelles suscitent l’admiration et attirent plus de 150'000 visiteurs par année.
Le site présente aussi une valeur patrimoniale indéniable. L’étang fut créé au 17ème siècle pour fournir l’énergie hydraulique permettant d’actionner un moulin, puis une scierie. Cette installation a fonctionné jusqu’en 1952, date de l’électrification de la scierie. Afin d’alimenter l’étang, puis la scierie et le moulin, de profonds canaux de drainage ont été creusés dans le haut-marais, perturbant et asséchant ce dernier.
La tourbière, qui s’étend sur quelque 80 hectares, est une des plus grandes d’un seul tenant de Suisse. Sa sauvegarde et sa restauration sont primordiales à plusieurs égards. Elle constitue, d’une part, un écosystème précieux et fragile qui joue un rôle essentiel dans la préservation de la biodiversité. Les milieux humides de Suisse abritent à eux seuls la moitié des espèces menacées du pays, comme des batraciens, libellules et plantes carnivores. D’autre part, les hauts-marais jouent un rôle important au niveau climatique. En effet, lorsque la tourbe n’est plus immergée, elle se minéralise au contact de l’air et libère ainsi une quantité non négligeable de gaz carbonique. Par contre, lorsque le milieu est à nouveau gorgé d’eau, il séquestre le même gaz via la croissance des végétaux et leur accumulation dans le sol au fil du temps. La tourbière retrouve ainsi son rôle naturel de puits de carbone.
Les travaux, qui débutent le 19 août, consistent principalement à prélever de la tourbe à certains endroits bien choisis pour combler les drains et neutraliser leur effet. Des palissades en bois sont enterrées en travers des drains pour retenir la tourbe mise en place. De plus, chaque zone de prélèvement de tourbe sera façonnée de manière à y créer un plan d’eau, élément favorisant la biodiversité du milieu. Pour permettre aux machines de chantier de circuler et de prélever la tourbe, des coupes forestières ont été réalisées au préalable. En théorie, tout cela semble relativement simple, mais la sensibilité du milieu requiert des techniques de travail et des équipements très particuliers.
Le montant total de l’ensemble des travaux de restauration est devisé à plus de 5'000'000 de francs, crédit accepté par le Parlement jurassien. Les travaux sont financés à 75% par la Confédération et soutenus par plusieurs institutions et fondations. Ils s’échelonneront sur 4 années (voir plan des étapes annexé) et s’achèveront donc par une dernière étape en 2027.