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Responsabilité, assurance et établissement de preuves

Par le passé, deux projets de géothermie profonde ont provoqué, en Suisse, des tremblements de terre qui ont causé des dommages non structurels. Il s’agit des projets géothermiques de Bâle (2006) et de St-Gall (2013). Plusieurs mesures sécuritaires qui n’avaient pas été mises en place ou que la technologie ne permettait pas de mettre en place au moment de la réalisation de ces projets sont prévues à Haute-Sorne. Elles imposent au promoteur des principes visant le zéro dégât. Ces mesures ont été renforcées dans la convention du 17 juin 2022 et pourront l’être de nouveau en cours de projet. Elles suivent notamment les recommandations du Service sismologique suisse.

En dépit des mesures fortes de suivi, de gestion et de réduction du risque de sismicité induite, il ne peut être exclu que des dommages en surface en lien avec des opérations dans le sous-sol surviennent. Les éléments liés à une telle situation, qui signifierait l’échec et l’arrêt du projet, ont été anticipés au cours de l’établissement du cadre réglementaire du projet et sont présentés ci-dessous.

 

Responsabilité


L’article 19.1.1 de la convention du 17 juin 2022 prévoit que « L’Exploitant répond, en application des dispositions légales en matière de responsabilité civile et de droit public, de tous les dommages découlant de la réalisation du Projet et notamment du risque sismique et des conséquences qui s’ensuivent, dans toutes les phases du Projet ».

Selon l’article 2.1.2 de la même convention, cette obligation restera en vigueur jusqu’à ce que toutes les obligations aient été éteintes et que tous les litiges auront été résolus.
 

 

Assurance


Comme il s’y est engagé dans la convention du 17 juin 2022, l’exploitant a souscrit à une assurance en responsabilité civile (RC) à hauteur de 100 millions de francs. Une analyse de risque de type probabiliste réalisée à la demande de l'Office de l'environnement avait permis d’établir en 2014/2015 un potentiel de dommages en lien avec la sismicité induite de l’ordre de 40 millions de francs. Ce montant avait été multiplié par un facteur de sécurité de deux afin d'établir la condition n°48 de l'autorisation de l'Office de l'environnement (2014) exigeant de l'exploitant qu'il soit bénéficiaire d'une assurance couvrant au minimum 80 millions de francs.

Selon l’article 37.3 des prescriptions du plan spécial cantonal, « La police d’assurance devra être formulée de manière à garantir la couverture du risque indépendamment du devenir de la société exploitante (cas de faillite) ». Le contrat d'assurance RC conclu par l’exploitant prévoit que, pour qu’un sinistre puisse être couvert, il faut d’une part que sa cause soit la conséquence de la réalisation du projet et qu’elle précède le terme du contrat d’assurance et d’autre part que le dommage soit annoncé au plus tard dans les 5 ans suivant la fin du contrat.
Le Service sismologique aurait à cet égard un rôle déterminant en établissant le caractère induit ou naturel d’un séisme.
Dans le cas peu probable d’une couverture d’assurance insuffisante, l’exploitant aurait à assumer la responsabilité des dommages sur son propre patrimoine. 

Pour approfondir le sujet, la Commission de suivi et d’information (CSI) a regroupé plusieurs questions à ce sujet dans sa FAQ.
 

 

Analyse de risques (sismicité induite)

 

L’analyse de risque de 2015 a montré que la probabilité que des dommages aux bâtiments surviennent dans le cadre du projet pilote n'est pas nulle, mais que la probabilité que surviennent des dommages structuraux, voire totaux, est extrêmement faible, même sur les bâtiments les plus vulnérables. La poursuite du projet dans ses deuxièmes et troisièmes phases est conditionnée à une mise à jour de l’analyse du risque de sismicité induite. S’il s’avère que le montant de l’assurance ne couvre plus les risques de dommages en lien avec le projet de géothermie profonde, celui-là pourra être réévalué. S’il s’avère que le risque de dommages dépasse celui qui avait été établi lors des premières analyses de risque, les autorités auront à examiner si ce nouveau niveau de risque peut encore être considéré comme acceptable. Si tel n’est pas le cas, le projet ne pourra se poursuivre que si l’exploitant réévalue et adapte en conséquence son projet.

Afin d’évaluer au mieux le risque de sismicité induite, il est nécessaire d'améliorer la connaissance du sous-sol, ceci notamment afin d'identifier les structures géologiques principales (failles et zones de fractures) et d'affiner les modèles de propagation des ondes. C’est l’un des objectifs principaux de la phase exploratoire en cours.

La prochaine mise à jour de l’analyse de risque se fera en amont de la phase dite de stimulation. La technique de stimulation prévue à Haute-Sorne a fait ses preuves en Suisse, dans le laboratoire de Bedretto, et plus récemment aux Etats-Unis dans le cadre du projet Forge. La sismicité induite y est restée bien inférieure au seuil d’autorisation fixé pour le projet en Haute-Sorne (magnitude de moment Mw = 2.6), lui-même fixé pour éviter tout dommage en surface.
 

 

Procédure d’indemnisation : expertise et établissement des preuves


L’article 32.5 des prescriptions du plan spécial cantonal prévoit qu’un expert neutre évalue les éventuels dommages qui lui seront signalés aux frais de la société de projet. Pour cela, l’expert pourra s’appuyer sur un concept d’établissement des preuves décrit aux articles 12 et 13 de la convention du 17 juin 2022. Ces articles prévoient notamment que des protocoles de fissures préalables soient réalisés afin de servir de preuves à futur sur :

  • un certain nombre de bâtiments jugés représentatifs qui serviront de bâtiments témoins (liste de ces bâtiments ici);
  • des bâtiments présentant une «sensibilité accrue et une grande valeur» déterminés en accord avec l’Office de la culture (liste de ces bâtiments ici);
  • les biens immobiliers situés dans la Zone de réalisation et d’incidence du projet, sur requête des propriétaires.

Ce programme inédit et vaste a été mis sur pied par l’exploitant. Il vise à faciliter d’éventuelles démarches d’indemnisation, pour l’ensemble du patrimoine bâti concerné. La convention du 17 juin 2022 prévoit la possibilité d’adapter et de réévaluer ce programme en fonction des étapes de réalisation du projet et des connaissances scientifiques et techniques.
 

 

Montant d’indemnisation


Le projet de géothermie profonde de Haute-Sorne est calibré afin que le risque que des tremblements de terre provoquent des dommages en surface soit le plus faible possible. Un grand nombre de mesures strictes sont prévues à cet effet. Si toutefois des failles suffisamment importantes pour engendrer des dommages en surface devaient exister et être réactivées dans la zone d’incidence du projet pilote, les principes de base de responsabilité civile s’appliqueraient. Ainsi, c’est la valeur vénale des biens endommagés qui servirait de base au calcul pour l’indemnisation. Le calcul de la valeur vénale est basé sur le prix de remplacement par une installation neuve, duquel il faut déduire la dépréciation de valeur liée à l’âge. Si les frais de réparation d’un objet ne dépassent pas la valeur vénale de celui-ci, les frais de réparation seront en principe entièrement indemnisés. Chaque cas doit toutefois faire l’objet d’une analyse propre, car il n’est pas exclu que le montant de l’indemnisation puisse être réduit pour tenir compte par exemple de l’économie réalisée sur des frais d’entretien courant.

Les protocoles de fissures évoqués plus haut pourraient, en complément aux documents usuels et aux éléments acquis sur le terrain lors de l’expertise, servir à l’établissement de la valeur vénale des biens immobiliers par les assureurs.