Le site du « Cras de Paplemont » a été découvert en 2013 grâce aux campagnes de prospection menées par Christophe Julmy, collaborateur bénévole. La même année et la suivante, il a mis au jour 45 monnaies dont la datation va de La Tène finale à l’époque romaine, en se limitant à chaque fois au objets en métaux non ferreux. Les prospections et les fouilles entreprises par la « Vindonissa Professur » entre 2015 et 2017 ont permis de compléter l’éventail des découvertes : 24 monnaies, 16 fibules en fer et deux en bronze, de nombreux clous de construction et de chaussures ainsi qu’un peu de céramique. Malgré des recherches intensives et une approche systématique durant les travaux de terrain, aucune structure notable n’a été repérée, à l’exception de six fosses (destinées à recevoir des poteaux ?), de sorte qu’il faut partir du principe qu’aucune structure de construction importante ne se trouvait sur la colline. Par conséquent, l’interprétation du site se base presque exclusivement sur le mobilier découvert qui, indépendamment de sa chronologie, a été retrouvé dans un horizon de réduction de quelques centimètres d’épaisseur seulement, suite aux processus naturels d’érosion et de remaniement.

En raison de la grande dispersion chronologique du mobilier mis au jour, on postule que le Paplemont n’a pas toujours été fréquenté avec la même intensité, mais néanmoins de manière pratiquement continue depuis le Néolithique. Les nombreuses trouvailles de La Tène finale et du Bas-Empire attestent que les phases d’activité les plus intenses s’insèrent durant ces périodes. Le spectre des découvertes, notamment les monnaies, les fibules, mais aussi les (rares) ossements d’animaux, la céramique de cuisson et de table, sans oublier deux dents humaines calcinées de la Tène moyenne ou finale, le tout combiné à la situation topographique du site, rend très probable une interprétation comme locus numinosus.

D’après les monnaies et le mobilier permettant une insertion chronologique, on peut supposer une fréquentation continue du Paplemont entre le Ier siècle av. J.-C. et le milieu du IVe siècle ap. J.-C., avec deux phases particulièrement intenses au LT D2 et entre la deuxième moitié du IIIe siècle et la première moitié du IVe siècle ap. J.-C., soit contemporaine de l’occupation du site fortifié sur le Mont Terri. L’absence de structures de construction indique qu’il s’agissait tout au plus d’un « bois sacré », les trous de poteaux ainsi que les clous de construction devant être considérés comme des indices de constructions en bois isolées. Les structures mentionnées ne peuvent toutefois pas être délimitées dans le temps, de sorte qu’un contexte de La Tène finale au Bas-Empire ne peut pas être prouvé de manière indubitable.

On ne peut émettre que des hypothèses sur le genre des gestes cultuels pratiqués : le contenu de la fosse Gr1, principalement de la vaisselle culinaire et de table, associée à un peu de charbon de bois ainsi qu’à des os d’animaux brûlés et calcinés, peut être considéré comme un résidu de sacrifices d’animaux et de repas cultuels, tandis que la cartographie des trouvailles, surtout des monnaies et des fibules, suggère une certaine structuration spatiale du site, sans toutefois pouvoir la préciser. L’emplacement des monnaies du Bas-Empire suggère qu’il pourrait y avoir eu un « tronc d’offrande » qui ne se serait pas conservé ou qui n’aurait pas été identifié comme tel. En outre, des clous de sandales romains, des militaria isolés et une fibule de type Alesia permettent de supposer une présence militaire à l’époque augustéenne. La quantité d’objets retrouvés laisse penser que des soldats fréquentaient occasionnellement la crête, mais un stationnement prolongé de grandes unités sur place ne semble guère plausible, notamment en raison de l’exiguïté du site. On pourrait imaginer une participation des soldats romains à la pratique du culte, mais il n’est pas non plus exclu qu’il s’agisse d’un avant-poste temporaire du Mont Terri, ou d’un poste de garde lié à la voie passant par le col des Rangiers. Une présence militaire romaine tardive serait tout à fait plausible au vu de la réoccupation du site fortifié du Mont Terri mais ne peut être prouvée, du moins sur le Paplemont.

Pour la période postérieure à l’Antiquité, les découvertes isolées ne permettent d’attester qu’une fréquentation sporadique au (Haut) Moyen Age ; ce n’est qu’au XVIIe et surtout au XVIIIe siècle que l’on trouve à nouveau de grandes quantités de vestiges, vraisemblablement liés à des activités agricoles ou forestières.

Le présent exemple montre bien quel est le potentiel exploitable grâce à la collaboration avec des collaborateur·trice·s bénévoles : sans leur engagement, ce site isolé n’aurait probablement pas été découvert. D’une manière générale, l’augmentation du nombre de découvertes observée ces dernières années778 est probablement due en grande partie à l’engagement systématique de collaborateur·trice·s bénévoles, comme le suggère un examen même superficiel de différents rapports.  Ce phénomène permet de mettre en valeur des sites qui, en raison de leur situation à l’écart des grands axes, n’auraient jamais été identifiés. Enfin, cela permet de prendre d’éventuelles mesures de protection du patrimoine archéologique, menacé de destruction par l’agriculture et la sylviculture, mais aussi par le pillage perpétré par des détectoristes illégaux.

La demi-cave médiévale

Un peu plus de 40 m à l’est de la chapelle Saint-Gilles, on a repéré quelques murs lors des prospections géophysiques de 2016. Les fouilles qui ont suivi ont révélé qu’il s’agissait d’une demi-cave de plan légèrement trapézoïdal creusée dans la pente, avec des murs d’environ 6 x 4,1 - 4,5 m de longueur pour 0,5  à 1 m d’épaisseur. Au vu de la hauteur des murs conservés au sud et à l’ouest, la demi-cave devait avoir à l’origine une hauteur d’environ 2 m ; les indices nettes d’un toit ou d’un plafond manquent. Il n’est donc pas possible de déterminer si la demi-cave était surmontée d’un étage. Les murs méridionaux et occidentaux ont été maçonnés en parois simples jusqu’à la couronne conservée et s’appuient contre le sol en place, les murs septentrionaux et orientaux ont dû être montés librement à partir d’une hauteur d’environ 1 m en raison des conditions topographiques. La demi-cave était accessible par une porte située au nord-est. L’entrée, maçonnée avec un soin tout particulier, se constitue de blocs de calcaire taillés avec précision, tandis que les autres murs sont construits en moellons inégalement empilés et taillés très grossièrement. A l’exception de l’entrée, tous les murs étaient recouverts d’un enduit dont les joints horizontaux étaient parfois très irréguliers. On suppose en raison de cette différence frappante de qualité qu’il pourrait s’agir d’une modification secondaire de l’entrée. En vue de la conservation in situ de la demi-cave, les murs ont été dans la mesure du possible conservés ; par conséquent, le contexte architectural n’a pas pu être déterminé, puisqu’il n’aurait pu être clarifié que par un démantèlement des murs.

De l’aménagement initial de l’espace, il ne demeure qu’une fosse rectangulaire d’une emprise de 1,5 x 1,4 m pour 0,8 m de profondeur devant le mur sud et le négatif d’un foyer contigu à la paroi, construit à même le sol, placé au centre devant le mur occidental. La structure, qui peut être considérée comme une fosse de stockage, a vu ses dimensions réduites au moins une fois avant d’être définitivement abandonnée (elle mesurait alors 1,3 x 1,1 m et 0,4 m de profondeur). Le sol naturel a manifestement servi de niveau de circulation, sur lequel s’est déposée par la suite une fine couche de saleté.

Durant les travaux de terrain, le mode de construction en pierre, le mortier de chaux et le type d’enduit mural avait encouragé l’hypothèse qu’il s’agissait d’une demi-cave romaine, comblé durant le Moyen Age central. La datation au radiocarbone de quatre échantillons de charbon de bois, dont deux provenant des sédiments remblayant la fosse, a cependant permis de conclure sans doute possible à une insertion médiévale de la structure. Une sépulture datée au radiocarbone, adossée au mur ouest de la cave, suggère que la demi-cave a été construite entre la fin du VIIe et la fin du IXe siècle. Au total, trois phases d’exploitation ont pu être isolées : la phase la plus ancienne ne peut être appréhendée qu’indirectement par le biais de l’inhumation du Haut Moyen Age, mais aucun mobilier n’a pu lui être attribué. Hormis le bâtiment lui-même, aucune structure ne semble s’y rattacher, à l’exception d’une fosse de stockage qui perdure durant plusieurs phases de l’occupation.

Au cours de la deuxième phase d’exploitation, on appréhende un foyer, outre la fosse stockage dont les dimensions avaient déjà été réduites ; la troisième et dernière phase d’exploitation comprend l’abandon du foyer, le comblement de la fosse de stockage, soigneusement scellée, ainsi que la mise en place d’un amas de pierres dans la moitié sud de la demi-cave. Le cadre temporel des phases d’utilisation ne peut être fixé que de manière approximative : la phase la plus ancienne peut être datée au radiocarbone entre la fin du VIIe et la fin du IXe siècle, tandis que les deux phases plus récentes s’insèrent entre le XIe et le milieu du XIIe siècle au plus tard. L’étude du contexte archéologique révèle que le bâtiment est demeuré vide durant un certain temps, vers le milieu du XIIe siècle, puis qu’il est progressivement tombé en ruine avant d’être définitivement abandonné et comblé au plus tard à la fin du XIIe siècle. A la fin du Moyen Age ou au début de l’époque moderne, une nouvelle couche est déposée et vient combler la dépression qui s’était alors formée dans le périmètre de la demi-cave, en scellant définitivement les derniers vestiges qui n’étaient déjà plus visibles.

Les bâtiments en pierre du Moyen Age central sont toujours associés aux élites laïques et/ou ecclésiastiques et à l’exercice de leur pouvoir. Dans le cas présent, il s’agissait probablement d’une grange aux dîmes ecclésiastique. Pour l’instant, on ne peut qu’émettre des hypothèses sur les raisons de son abandon. On a suggéré un changement affectant les structures sociales et le mode d’habitat, comme on peut l’observer par exemple dans le sud-ouest de l’Allemagne.