Brève histoire de l’archéologie jurassienne

Auguste Quiquerez, 1801 - 1882. Il est l'auteur de la première carte archéologique jurassienne en 1876. Auguste Quiquerez, 1801 - 1882. Il est l'auteur de la première carte archéologique jurassienne en 1876.

En 1716 déjà, le père jésuite français Pierre-Joseph Dunod mentionne une tradition locale qui identifie le site du Mont Terri comme étant le "camp de Jules César ". En interprétant librement les écrits de ce dernier dans la « Guerre des Gaules », P.-J. Dunod place le champ sur lequel les armées de César et d'Arioviste s'affrontèrent dans la plaine se situant entre le Mont Terri et Porrentruy. De même, il élève la Pierre Percée de Courgenay, en réalité les restes d'un dolmen néolithique, au rang de monument commémorant la victoire d'Arioviste sur les Gaulois. P.-J. Dunod ne se limitait pas à la spéculation : afin de confirmer son interprétation, il fit réaliser un petit sondage à la pelle et à la pioche auprès de cette dernière. Il n’y découvrit pas les armes gauloises attendues, mais ce « trou » fut néanmoins le premier « sondage archéologique" pratiqué en terre jurassienne !

La véritable recherche archéologique scientifique n’apparaît dans la région qu’au milieu du 19e siècle. Elle est tout d’abord principalement initiée par Auguste Quiquerez (1801-1882). Homme politique, puis ingénieur des mines dès 1846, ce savant polyvalent s'intéressa toute sa vie à l'archéologie. C'est à lui que l'on doit la première carte archéologique de la région, ainsi que de nombreuses descriptions et relevés de sites détruits par les constructions de son vivant. Véritable père de l'archéologie jurassienne, il s'intéressa également à la sidérurgie ancienne et fut un des pionniers des investigations archéologiques d'ateliers liés à cette industrie. A. Quiquerez meurt en 1882 et n’aura pas de successeur immédiat.

Il faut attendre les années 1920 pour voir un nouveau souffle raviver l’archéologie jurassienne. Cet essor est dû à l’initiative privée d’Albert Perronne et de Frédéric-Edouard Koby, qui se focalisent sur la Préhistoire et la paléontologie par la fouille de multiples cavernes et cavités. Le premier est surtout connu grâce à ses archives photographiques. Le second deviendra fameux par ses travaux sur les grottes de Saint-Brais, où il mit notamment au jour une incisive d’un Homme de Néandertal datée d’il y a environ 30'000 ans. Un autre amateur, Carl Lüdin, plâtrier-peintre bâlois, consacra pendant près de 50 ans ses fins de semaines à fouiller le site du Bronze final du Roc de Courroux. Il amassa au fil des ans une impressionnante collection d’objets, composée notamment de fragments de récipients en céramique, qui attend toujours d’être étudiée. Il faut encore mentionner l’architecte de Laufon Alban Gerster, qui, par ses prédispositions, se dirigea naturellement vers l'architecture gallo-romaine. Il fouilla notamment les villae de Laufon-Müschhag et de Vicques, ne dédaignant pas à l’occasion toucher à la Préhistoire ou au Moyen Age. Il travailla souvent en collaboration avec l’archiviste et archéologue André Rais, de Delémont. Entre 1966 et 1967, fait rare pour l’époque, c’est une femme, Elisabeth Schmid, professeur ordinaire à l’Université de Bâle, qui ouvre une campagne de fouille avec ses étudiants sur le site de Pleigne, Löwenbourg. Ils y découvrent de nombreux silex taillés remontant au Paléolithique et une véritable mine exploitant ce matériau datant du Néolithique.

Après la Seconde Guerre mondiale, le Musée historique de Berne, puis le Service cantonal d’archéologie bernois fondé en 1960, intervinrent à quelques reprises en terres jurassiennes, alors bernoises, notamment dans le cadre des fouilles de la nécropole gallo-romaine du site de Courroux, Derrière la Forge, mais également dans l’ancienne église Saint-Pierre à Saint-Ursanne.

C'est la découverte de la nécropole mérovingienne à la Rue des Sabotiers à Courfaivre qui soulèvera le problème de l'archéologie moderne dans le canton du Jura. C'est la découverte de la nécropole mérovingienne à la Rue des Sabotiers à Courfaivre qui soulèvera le problème de l'archéologie moderne dans le canton du Jura.

AEn 1979, les autorités du nouveau canton du Jura déléguèrent la gestion du patrimoine archéologique à l’Office du patrimoine historique (actuellement Office de la culture), toutefois sans le doter du personnel nécessaire. Le jeune canton remédia à cette situation problématique en liant le développement d’une Section d’archéologie à la construction de l’autoroute A16 Transjurane, les recherches scientifiques liées étant financées par la Confédération. Afin de dresser un inventaire des sites potentiels touchés par ces travaux, l'Office du patrimoine historique mandata à deux reprises, en 1980 et 1981, François Schifferdecker, archéologue alors actif dans le canton de Neuchâtel. Toutefois, un évènement imprévu rappela très vite que les vestiges archéologiques ne se cantonnent pas à l'emprise des autoroutes. En mars 1980 en effet, deux squelettes furent ainsi découverts lors de travaux de réfection à l'intérieur d'une maison à Courfaivre, rue des Sabotiers. L'ancienneté de ces vestiges étant évidente, l'Office du patrimoine historique fut chargé du dossier et mandata François Schifferdecker afin d'organiser une fouille.

La situation fut régularisée le 1er août 1985 avec la création officielle d’une Section d’archéologie et la nomination de François Schifferdecker en tant que premier archéologue cantonal du Jura. La section connut un développement rapide afin de suivre le rythme des nombreuses fouilles et recherches engendrées par les découvertes réalisées le long du tracé autoroutier. A partir de l’année 2000, les découvertes de traces de dinosaures sur l’emprise de l’autoroute à Courtedoux menèrent à la mise en place d’une équipe de paléontologues travaillant également sur l’A16 (la PAL A16). Dès lors, la Section d’archéologie se mua en Section d’archéologie et paléontologie.

Les recherches archéologiques liées à l’A16 se sont achevées en 2013. Cette dernière a produit plus de 8000 tranchées de sondage, 44 fouilles extensives et 32 volumes dans la série des Cahiers d’archéologie jurassienne. Un ouvrage de vulgarisation a également été édité à cette occasion.

En parallèle à ces fouilles autoroutières, des découvertes archéologiques ont régulièrement été documentées sur le reste du territoire cantonal. On peut ainsi mentionner celles de l’église de Courchapoix, du château de Miécourt, la fouille extensive de l’habitat gallo-romain de Porrentruy-La Perche ou encore les sondages sur le site de la villa gallo-romaine de Buix. Dans le même temps, l’Université de Bâle a pris en charge une série de tranchées sur l’oppidum celtique du Mont Terri à Cornol.

Le départ de François Schifferdecker en 2008 et la nomination de Robert Fellner en tant qu’archéologue cantonal en 2010 a coïncidé avec une réorganisation complète de la SAP, en lien avec la fin de l’archéologie autoroutière. Dès cette période, le suivi désormais recentré sur les travaux de construction de l’ensemble du territoire cantonal a déclenché une série d’importantes fouilles de sauvetage : à Courtételle-La Rintche (2010), Chevenez-Au Breuille (2012-2013), Courroux-Place des Mouleurs (2012), Courtételle-Saint Maurice (2013-2014), puis dans la vieille ville de Saint-Ursanne (dès 2016). La révision de la législation en 2015 a également permis de doter la section de bases solides lui permettant d’évoluer dans ce nouvel environnement. Toutes ces interventions cantonales sont décrites dans les rapports annuels de l'archéologie cantonale.

La PAL A16, placée sous la direction de Basil Thüring, de Wolfgang Hug, puis de Jean-Paul Billon-Bruyat, achève quant à elle sa mission en juin 2019. Les fouilles et les recherches paléontologiques concernent désormais l’ensemble du territoire cantonal et font partie de la mission de notre partenaire institutionnel JURASSICA. La responsabilité administrative liée à la protection de ce riche patrimoine paléontologique jurassien demeure toutefois sous l’égide de la SAP.