La géothermie au sens large
L’énergie géothermique provient de la chaleur naturellement stockée dans le sous-sol. Elle résulte de la radioactivité naturelle des roches de la croûte terrestre et des flux thermiques en provenance des zones plus profondes de la Terre.
Avantages environnementaux de la géothermie
La géothermie génère très peu d'émissions de gaz à effet de serre dans son cycle total, contribuant ainsi efficacement à la volonté de réduction de l'empreinte carbone et de lutte contre le changement climatique.
À rendement énergétique égal, la géothermie requiert moins d'espace au sol que d'autres sources d'énergie renouvelable (solaire, éolienne, hydroélectrique, etc.), ce qui contribue à la préservation des espaces naturels et de la biodiversité. Les possibles effets sur les eaux souterraines (risques de pollution, perturbation des débits des captages existants, etc.) en lien avec les opérations de forage et l’exploitation du sous-sol peuvent être limités ou évités par la mise en œuvre de mesures de protection adaptées.
La géothermie exploite la chaleur interne de la Terre, offrant une ressource durable et inépuisable à l’échelle humaine. Elle assure une production énergétique constante et fiable, réduisant la dépendance aux énergies fossiles et limitant ainsi les impacts environnementaux associés à leur extraction et leur combustion. Son exploitation raisonnable en fait une source d'énergie renouvelable.
Les systèmes géothermiques ont en général une durée de vie de plusieurs décennies et nécessitent peu de maintenance, minimisant les interventions pouvant avoir un impact environnemental et les déchets générés au cours de leur fonctionnement. Globalement, la géothermie est liée à un faible impact environnemental (déchets, pollution de l’air, eaux de surface, impact foncier, impact sur les milieux naturels et la biodiversité).
La chaleur du sous-sol
99% de la masse terrestre se trouve à plus de 1’000°C. Dans la croûte terrestre, depuis la surface, la température des roches augmente en moyenne de 3°C par 100 m. Ainsi, dans le sous-sol jurassien comme dans bien d’autres régions, les roches et l'eau souterraine ont une température de l’ordre de 20°C à 300 m de profondeur, de 40°C à 1 km de profondeur et de 120° à 150°C à 4-5 km de profondeur.
L’énergie géothermique peut être exploitée selon différentes techniques et à différentes profondeurs. Ces techniques sont détaillées sur le site Internet de l’association faîtière Géothermie Suisse.
Géothermie de faible profondeur (jusqu'à 250 m)
En Suisse, 80% de la production totale de chaleur d’origine géothermique provient actuellement des sondes géothermiques verticales (SGV) dont la profondeur se situe entre 70 m et 250 m. Le canton du Jura compte plus de 750 installations de ce type permettant la substitution de plus d’un million de litres de mazout par année.
Ce type de géothermie est autorisée sur la majorité du territoire jurassien, mais il convient de s’en assurer en consultant le géoportail cantonal (couche Géologie). Certains périmètres sont interdits ou conditionnés à une profondeur limitée en raison des risques de nuisances aux eaux souterraines. En effet, les sondes géothermiques sont installées dans des forages réalisés dans des conditions de précautions moins élaborées que les forages de grande profondeur (de type pétrolier).
Comme tout forage au-delà de 3 mètres de profondeur, la réalisation de sondes géothermiques est soumise à permis de construire et autorisation de l’Office de l’environnement.
Géothermie profonde
La géothermie est qualifiée de « profonde » lorsqu’elle a pour objectif la production de fluides géothermaux suffisamment chauds pour être utilisés directement dans des réseaux de chauffage à distance ou pour la production d’électricité.
La géothermie profonde représente une source d’énergie indigène, propre et pouvant fournir de la chaleur voire de l’électricité en continu indépendamment des conditions météorologiques. Le Canton du Jura encourage les projets favorisant la transition énergétique et la géothermie en général, comme l’indique son plan directeur cantonal, par ses fiches 5.07 Energie géothermique (ci-dessous) et 5.07.1 Géothermie profonde (ci-dessous), ratifiées par le Parlement le 22 mai 2013.
Zones favorables au développement de la géothermie profonde dans le Jura en fonction des conditions géologiques et de surface. Cette analyse ne prend pas en compte les contraintes de développement territorial. Aucun projet n’est prévu à ce jour dans les environs de Porrentruy et Delémont.
Géothermie profonde hydrothermale
En géothermie hydrothermale, comme par exemple à Riehen, l’objectif est de trouver des ressources en eau directement mobilisables et qui ne nécessitent pas l’intermédiaire d’une pompe à chaleur pour être exploitables.
Une étude de potentiel a été réalisée en 2022-2023 (rapport disponible ci-contre). Cette dernière peut servir de document de base à tout acteur intéressé de développer un projet de prospection en vue d’une exploitation hydrothermale des ressources géothermiques.
Géothermie profonde pétrothermale
La géothermie profonde pétrothermale est au stade du développement avec, dans la commune de Haute-Sorne, un projet pilote en cours de réalisation. En plus de ce site, le projet est décrit plus en détail sur le site Internet du promoteur et celui de la Commission de suivi et d’information du projet. Les techniques prévues à Haute-Sorne ont été testées avec succès, à l’échelle 1 :3, dans le laboratoire souterrain de Bedretto et mises en place avec succès. Le projet Forge aux Etats-Unis utilise une technologie et un système de surveillance sismique comparables à ceux de Haute-Sorne.
Ce type de géothermie présente l’avantage de ne pas dépendre de l’existence d’eau mobilisable à grande profondeur dans le sous-sol, ce qui est complexe à détecter depuis la surface. Elle présente l’inconvénient de dépendre d’une technologie qui est associée à un risque accru de sismicité induite, ce qui nécessite une vigilance et un accompagnement renforcés. Potentiellement reproductible sur une grande part du territoire suisse, elle est particulièrement encouragée par la Confédération dans le cadre de la stratégie énergétique 2050. Des projets EGS (en anglais « Enhanced Geothermal Systems ») ou "Systèmes Géothermiques Stimulés", à l’étranger ont démontré qu’il était possible de produire de l’électricité à hauteur de 1.7MW pour le projet de Soultz-Sous-Forêts et 3.5MW pour le projet de Fervo Energy (Nevada). Fervo Energy travaille actuellement sur le projet Cape Station dans l'Utah, qui vise à produire 400 MW et augmenterait ainsi considérablement et dès 2028 l’apport de l'énergie géothermique aux États-Unis.
Le projet de géothermie profonde à Haute-Sorne
Le projet de géothermie profonde développé à Haute-Sorne vise à utiliser la chaleur des roches situées entre 4 et 5 km de profondeur pour faire fonctionner une centrale de production d’électricité. Le projet est basé sur une technologie développée lorsqu’il n’est pas possible d’exploiter directement de l’eau en profondeur et appelée « Systèmes géothermiques stimulés » ou « Enhanced Geothermal Systems » (EGS) en anglais. Si le projet aboutit, la puissance de la centrale géothermique de Haute-Sorne pourrait atteindre 5 MW et fournir de l'électricité à environ 6000 ménages, indépendamment des conditions atmosphériques et de la saison. Elle pourrait également alimenter un réseau de chauffage à distance si une telle infrastructure, qui n'existe pas actuellement, est construite dans la commune. Le coût d'investissement total du projet est estimé à environ 150 millions de francs suisses.
Le projet de Geo-Energie Jura SA en Haute-Sorne a été conçu comme un projet pilote dans le but de prouver la faisabilité technique de ce type de systèmes géothermiques en Suisse et, dans un second temps, de développer cette technologie ailleurs.
Comment ça fonctionne?
De l'eau est injectée dans le sous-sol, de préférence à une profondeur où les températures dépassent les 120-150 degrés. L'eau injectée s’introduit dans le réseau de fractures naturellement présent dans la roche et est chauffée pendant qu'elle circule dans le volume de la roche, puis retourne à la surface où elle est utilisée pour chauffer un liquide (fluide caloporteur) qui se transforme en gaz et actionne une turbine pour produire de l’électricité. Pour que l'eau puisse circuler vers et depuis le réservoir géothermique de Haute-Sorne, il est prévu de forer deux puits à une profondeur d'environ 5000 mètres. Pour utiliser la chaleur stockée à la profondeur visée, la roche a besoin de fractures où l'eau peut s'écouler. Ces fractures peuvent être déjà suffisamment ouvertes dans la roche ou agrandies artificiellement par un processus de stimulation appelé cisaillement hydraulique, qui consiste à injecter de l'eau sous pression dans la roche de manière contrôlée. L’opérateur prévoit de stimuler les roches en injectant de petits volumes d’eau par étapes sur des segments successifs de la portion horizontale des puits de forage. De cette manière, le risque d'un tremblement de terre dommageable est considérablement réduit.
Les 3 phases du projet
Le projet est divisé en trois phases principales, elles-mêmes subdivisées en étapes.
La phase d'exploration est dédiée à une investigation approfondie du sous-sol à Haute-Sorne, incluant la mesure de l'activité sismique. Elle prévoit le forage d’un puits vertical de 4000 mètres de profondeur, des tests de stimulation hydraulique et des mesures géophysiques 2D et 3D. Les données recueillies à l’issue de ces travaux seront transmises aux autorités cantonales. Le modèle géologique et l’étude de risque sismique seront mis à jour et analysés par un groupe d’experts indépendant (GEI), nommé par le Gouvernement. Si le risque sismique reste acceptable, alors le projet pourra passer à la deuxième phase. Si, par contre, le risque s'avère plus élevé que défini dans la phase d’autorisation du projet, celui-ci devra être adapté ou stoppé. La prise de décision en la matière se fera sur la base des recommandations du Groupe d’experts indépendants.
Lors de cette deuxième phase, un second puits sera foré et dévié horizontalement jusqu'à une profondeur de 5000 mètres environ. L'orientation et la longueur de ce puits seront prédéfinies à partir des résultats de la première phase.
Le réservoir sera ensuite développé à partir de ce deuxième forage par stimulation hydraulique. Les mesures prises pour minimiser les risques sismiques seront strictement appliquées sur la base des résultats obtenus lors de la phase exploratoire. Les systèmes de surveillance sismique seront utilisés par l’opérateur pour suivre le développement du réservoir et appliquer les meilleures méthodes de réduction des risques.
Après la création du réservoir, le premier puits sera complété par une section horizontale qui viendra recouper le réservoir nouvellement créé quelques centaines de mètres en-dessus de la section horizontale du second puits. Un test de circulation entre les deux puits sera alors réalisé. Ce test consiste à injecter de l’eau à haute pression dans le puits d’injection (ici, le second forage), puis à la récupérer à travers un puits de production (ici, le premier forage et sa section horizontale) après qu’elle ait circulé et se soit réchauffée dans le réservoir artificiel souterrain. Les objectifs principaux de ce test sont de vérifier la perméabilité des roches et l’efficacité du réservoir créé en mesurant la température de l’eau et son débit à la tête du puits. En cas de circulation insuffisante, des opérations de stimulation hydraulique pourraient être réalisées à partir du puits de production.
A l’issue de cette deuxième phase, il y aura à nouveau lieu d'examiner si le projet peut se poursuivre et passer à la troisième phase, respectivement s'il doit être adapté ou stoppé. La prise de décision en la matire se fera également sur la base des recommandations du Groupe d’experts indépendants.
Une fois les travaux souterrains achevés, la phase d’exploitation prévoit la construction d’une centrale géothermique. Le bâtiment abritera les bureaux ainsi que les installations techniques : pompes, filtres, turbine et alternateur. Des aéro-refroidisseurs seront situés à l'extérieur du bâtiment pour assurer le refroidissement et la condensation du fluide caloporteur qui actionne la turbine. La chaleur résiduelle pourra être utilisée pour un chauffage à distance, voire pour des processus industriels, en fonction des besoins identifiés.
Les mesures de surveillance sismique et de contrôle des puits mises en place au cours de la réalisation du projet se poursuivent tout au long de sa phase d'exploitation. Après la construction et les essais de fonctionnement, la centrale géothermique pourra être mise en fonction et contribuer à l’indépendance énergétique de notre canton.
Stimulation hydraulique
Différences entre la fracturation hydraulique (« fracking ») et le cisaillement hydraulique (« hydroshearing »)
Il existe une différence importante entre deux techniques souvent mentionnées dans le contexte des projets énergétiques :
- Fracturation hydraulique (« fracking » en anglais)
Utilisée principalement dans l'industrie pétrolière et gazière et dans quelques projets géothermiques, cette méthode consiste à injecter un mélange d'eau, de sable et de produits chimiques à haute pression pour créer de nouvelles fractures dans la roche et les garder ouvertes. Elle est controversée en raison de ses impacts environnementaux potentiels, notamment lorsque les eaux usées sont réinjectées dans le sous-sol.
- Cisaillement hydraulique (« hydroshearing » en anglais)
Utilisé dans la plupart des projets EGS (« Systèmes géothermiques stimulés » en français), comme celui à Haute-Sorne, la stimulation hydraulique consiste à injecter de l'eau à une pression un peu moins élevée afin d’agrandir ou de ré-ouvrir des fissures déjà existantes dans les roches. Le processus de stimulation hydraulique prévu à Haute-Sorne est autorisé avec de l’eau et ne nécessite pas l'ajout de produits chimiques.
Impact sur les eaux pour le projet à Haute-Sorne
Concernant l’environnement, le projet de géothermie profonde à Haute-Sorne nécessite un besoin important en eau, en particulier pour les opérations de stimulation hydraulique. Pour la partie exploratoire, seuls 3700 m3 d’eau ont été nécessaires puisque les boues sont utilisées en circuit fermé. Une quantité importante d’eau est nécessaire pour la stimulation hydraulique. Celle-ci est estimée à 100'000 m3. L’Office de l’environnement se charge de vérifier que le prélèvement d’eau respecte les bases légales et ne causera pas de dommage aux eaux et aux écosystèmes. Une partie de l’eau qui sera utilisée proviendra de la récupération sur site des eaux de pluie.
Des mesures de protection doivent être prises afin d’éviter des impacts du forage sur les eaux souterraines. Lors des opérations de forage, l’opérateur doit définir des paramètres qui permettent d’éviter les pertes de fluides de forage qui pourraient polluer les eaux souterraines. Le forage doit être étanchéifié par étapes afin d’éviter de mettre en communication des aquifères superposés. En complément des mesures prises, les eaux captées aux alentours sont surveillées afin d’assurer un suivi temporel de leur composition. L’alimentation en eau de la commune de Haute-Sorne provient de ressources situées en amont et qui ne peuvent ainsi pas être impactées directement par le forage